Réponse d’Eva Joly au Syndicat de la Magistrature

1. Le rôle du Conseil constitutionnel a été considérablement accru par la réforme de 2008 instituant la question prioritaire de constitutionnalité, les décisions du Conseil influant désormais directement sur les affaires en cours. Cette juridictionnalisation du contrôle de constitutionnalité accroît les exigences de compétence et d’indépendance des membres du Conseil. Envisagez-vous d’instituer de nouvelles règles de nomination de ceux-ci, afin de garantir leur impartialité et la qualité de leurs décisions ? Pensez-vous que les anciens présidents de la République aient leur place au sein de cette instance ?

En raison de l’introduction de la Question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel s’est mué en juridiction, devant, à ce titre, remplir les conditions de tout « Tribunal », au sens de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’Homme.

Parmi les principes protégés par cette disposition, relative au droit à un procès équitable, figure le principe de l’indépendance et de l’impartialité que toute juridiction chargée de dire le droit et de trancher des litiges doit respecter.

Or, le Conseil constitutionnel, du fait des modalités de nomination de ses membres, ne remplit pas l’exigence d’impartialité et d’indépendance à l’égard du pouvoir, puisque ses membres sont constitutionnellement désignés par les plus hautes autorités politiques.

C’est pourquoi la nomination des membres du Conseil constitutionnel sera entièrement réformée, pour assurer leur indépendance et leur impartialité. Ils devront être reconnus pour leurs compétences judiciaires et nommés par le Parlement à la majorité des 2/3.

De plus, les anciens Présidents de la République ne siègeront plus au Conseil constitutionnel.

  1. La réforme du Conseil supérieur de la magistrature reste largement inaboutie. Si les magistrats y sont désormais minoritaires s’agissant des nominations et si les justiciables disposent du droit de le saisir directement, le Conseil demeure institutionnellement faible – au regard notamment de ses homologues européens – et les personnalités extérieures sont toujours nommées par la majorité politique du moment. Envisagez-vous d’instituer de nouvelles règles de nomination dépourvues de tout caractère partisan ? Etes-vous favorable au rattachement au Conseil de l’Inspection générale des services judiciaires, actuellement placée sous l’autorité du Garde des sceaux, et d’une partie de la direction des services judiciaires ?

Le Conseil supérieur de la magistrature devra être réformé pour évoluer vers un Conseil supérieur de la Justice, institution indépendante du pouvoir politique, qui aura pour fonction de garantir l’indépendance de la magistrature, tant par sa composition que ses missions.

Si la présence de personnalités extérieures en son sein n’est pas, en tant que telles, contestable, les modalités de nomination de ces membres non magistrats devra être réformée, afin de garantir une indépendance effective à l’égard du pouvoir politique.

La parité stricte entre magistrats et non magistrats sera assurée dans les deux formations disciplinaires (parquet et siège).

Enfin, le CSM rendra un avis conforme sur les nominations des magistrats du parquet, permettant ainsi un alignement des carrières, et un renforcement de l’unicité du corps.

Le rattachement au Conseil de l’Inspection générale des services judiciaires pourra être envisagée.

3. Pour l’immense majorité des postes du siège et du parquet, le CSM n’a qu’un rôle de contrôle des nominations proposées par le pouvoir exécutif. Afin de renforcer son rôle et d’asseoir l’indépendance de la magistrature, envisagez-vous de confier au CSM l’initiative de la nomination de l’ensemble des magistrats du siège et du parquet ?

Afin de renforcer l’indépendance de la justice, le Conseil supérieur de la magistrature doit pour faire des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de Cour d’appel et de président de Tribunal de Grande Instance.

4. Au-delà de la question de leur nomination, les magistrats du parquet demeurent soumis au pouvoir politique dans leur action quotidienne à travers la possibilité pour ledit pouvoir de donner des instructions dans les affaires individuelles, et celle pour leur supérieur hiérarchique de les dessaisir à tout moment. En outre, tout comme les juges d’instruction, ils ne disposent pas pour mener leurs enquêtes d’une police judiciaire, actuellement rattachée au ministère de l’Intérieur, en capacité d’exécuter loyalement leurs directives. Etes-vous favorable à la suppression des instructions dans les affaires individuelles et à l’instauration de règles permettant de clarifier l’attribution des dossiers aux magistrats du parquet ? Envisagez-vous de faire évoluer le lien de subordination entre l’autorité judiciaire et la police, notamment en procédant au rattachement fonctionnel d’unités de police judiciaire aux juridictions ?

Les instructions dans les affaires individuelles sont inacceptables.

Seules les instructions générales de politique pénale devant être considérées comme acceptables, les instructions individuelles, écrites comme orales, seront bannies et sanctionnées.

Les procédures informelles de “signalisation” des dossiers seront interdites et sanctionnées.

A cet égard, la direction des affaires criminelles et des grâces sera réorganisée afin de supprimer tout service en charge de suivre les affaires pénales en cours et la signalisation des dossiers.

Il faut également clarifier l’attribution des dossiers aux magistrats des parquets.

Nous sommes favorables à l’évolution du lien de subordination entre certaines unités de polices judiciaires et le parquet.

5. Au-delà même du problème posé par le lien hiérarchique entre le parquet et le pouvoir politique, l’augmentation incessante des prérogatives du parquet dans des domaines qui ne devraient pas relever de l’autorité de poursuite, notamment en matière de proposition de peine ou de privation de liberté, est inquiétante. Etes-vous favorable à la restriction des pouvoirs du parquet afin qu’il demeure dans son rôle essentiel d’autorité de poursuite ? Envisagez-vous notamment de supprimer les procédures de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, de saisine directe du JLD en matière de détention provisoire ou encore de « référé-détention » ? Pensez-vous que la mesure de garde à vue doive s’exercer sous le contrôle d’un magistrat du siège ?

La question des pouvoirs du parquet est intimement liée à celle de son statut.

Le parquet, du fait de son absence d’indépendance à l’égard du pouvoir politique, ne saurait être considéré comme une autorité judiciaire au sens de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La Cour européenne des droits de l’Homme dans sa décision MOULIN du 23 novembre 2010, a offert, de ce point de vue, un élément de réponse : le parquet, en l’état actuel, ne saurait être investi de décider de mesures coercitives ou attentatoires aux libertés, et qui de ce fait relèveraient du magistrat du siège.

C’est pourquoi, en premier lieu, le parquet ne saurait continuer à contrôler les mesures de garde à vue, et décider de leur prolongation en l’état actuel.

Le contrôle des mesures de garde à vue, mesure de coercition privative de liberté, devrait en conséquence être contrôlée par un magistrat du siège, à l’instar du Juge des libertés et de la détention.

De même, et en deuxième lieu, il ne saurait être investi du pouvoir de saisir directement le Juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire pour les infractions les plus graves.

Ce pouvoir doit rester de la compétence exclusive du juge d’instruction, qui seul est susceptible d’apprécier, au regard des investigations en cours et des risques encourus (pression sur des témoins, dépérissement des preuves etc.), si une personne mise en examen doit être déférée devant un juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire.

6. Bien que plus protecteur que celui du parquet, le statut des magistrats du siège a révélé ses failles au cours des dernières années. Certains magistrats exerçant des fonctions sensibles, comme les présidents de cours d’assises et de tribunaux correctionnels ou les juges des libertés et de la détention, ont ainsi pu être déchargés de leur service à la suite de décisions ayant déplu. Etes-vous favorable à ce que l’affectation dans ces fonctions exposées ne dépende plus des chefs de juridictions mais relève d’un décret spécifique, comme pour le juge d’instruction ou le juge des enfants, empêchant ainsi tout changement arbitraire de fonction ? Pour les autres magistrats, envisagez-vous dans la même logique de confier aux assemblées délibérantes de chaque juridiction le pouvoir de décider de leur affectation en son sein ?

L’indépendance des magistrats les plus exposés doit être renforcée.

C’est notamment le cas pour les présidents de Cour d’Assises, les Juges des libertés et de la détention et la spécialisation de certains magistrats au pôle antiterroriste ou au pôle financier.

L’indépendance de la justice, c’est également la garantie qu’un magistrat puisse exercer sa mission sans pression, ni politique ni matérielle, et sans craindre que ses décisions puissent être remises en cause par un pouvoir politique prompt à condamner le prétendu « laxisme » de tel Juge des libertés et de la détention ou de tel autre Tribunal correctionnel.

L’affectation par décret spécifique, comme pour le juge d’instruction ou le juge des enfants, pourrait constituer, à cet égard, une réponse adaptée, qui supprimerait ainsi l’emprise des chefs de juridiction sur les magistrats exerçant des fonctions sensibles.

Pour les autres magistrats, une meilleure prise en compte, dans les modalités d’affectation, des vœux exprimés par les Assemblée générales, pourrait faire l’objet d’une expérimentation.

La mise en œuvre d’un tel processus, qui pourrait être qualifié de co-décision, devrait en tout état de cause tenir compte de tous les facteurs qui président aux affectations, que ce soit les compétences recherchées ou les besoins de l’organisation du service.

En tout état de cause, il est nécessaire d’introduire plus de transparence et d’équité dans le processus, et la présence, sous une forme à déterminer, de l’AG dans ce processus est souhaitable.

7. L’administration de la justice est aujourd’hui largement technocratique. Afin de la rendre tout à la fois plus démocratique et plus efficace, êtes-vous prêt à expérimenter de nouveaux modes d’organisation et de gestion des juridictions judiciaires, qui pourraient par exemple devenir des établissements publics dotés de conseils d’administration associant professionnels, représentants des usagers et partenaires de la justice ? Etes-vous favorables à l’élection des présidents de juridiction par les magistrats du siège ?

La transformation des juridictions judiciaires en établissements publics dotées de conseil d’administration est une proposition intéressante qui doit être étudiée et expérimentée.

8. La justice demeure une administration pauvre. Les comparaisons internationales démontrent que la France consacre beaucoup moins d’argent à sa justice que des pays comparables. Dans quelle mesure souhaitez-vous abonder le budget du ministère de la justice, et quelle part de celui-ci serait affectée à l’administration pénitentiaire ? Etes-vous favorable à ce que le budget consacré aux services judiciaires soit soumis à l’avis conforme du CSM, garant d’un fonctionnement du service public de la justice à la hauteur de ses missions ?

La Justice est aujourd’hui le parent pauvre des politiques publiques en France. Avecseulement 0,19 % du PIB, la France est l’un des pays occidentaux qui consacre la plus faible part de son budget à la Justice. Cet état de fait s’explique parles « rationalisations » budgétaires continues depuis le début des années 2000, et accentuéedepuis 2007 par un véritable appauvrissement de la justice par la droite.

Dès 2012, une Loi d’orientation et de programmation pour la justice et la politique judiciaire sera discutée au Parlement. Elle évaluera les besoins matériels et humains de la justice, ainsi que les objectifs sur cinq années de la politique judiciaire. Nous souhaitons par ailleurs un moratoire sur la construction de nouveaux établissements pénitentiaires. Le budget de la justice nécessite un rattrapage conséquent.

En revanche, le budget étant une compétence du pouvoir législatif, nous ne sommes pas favorables à un avis conforme du CSM concernant le budget consacré aux services judiciaires.

9. Le primat des objectifs quantitatifs a entraîné un recours accru au juge unique au détriment de la collégialité, pourtant gage de qualité des décisions grâce à l’échange de points de vue. L’une des rares lois récentes créant une juridiction collégiale, à l’instruction, voit même son entrée en vigueur chaque année repoussée. Vous engagez-vous à permettre enfin l’application de cette loi votée à l’unanimité en 2007 et, au-delà, à renforcer la collégialité tant en matière pénale que civile ?

Cinq ans après, la collégialité des pôles d’instruction doit enfin être mise en œuvre. Une fois cette réforme concrètement appliquée, un bilan permettra de juger de l’opportunité d’une généralisation de la collégialité.

En tout état de cause, la collégialité devra être renforcée, conformément aux préconisations de la Commission Outreau, dont les enseignements ont complètement été obérés par les velléités du pouvoir en place de supprimer, purement et simplement, le juge d’instruction.

10. Les procédures et juridictions d’exception portent atteinte au principe d’égalité devant la justice. Etes-vous favorable à leur suppression ? En particulier, envisagez-vous de supprimer les cours d’assises « spéciales » – d’où les citoyens sont exclus – et la Cour de justice de la République – où les ministres sont jugés par des parlementaires avec lesquels ils ont nécessairement entretenu des rapports parfois étroits ? Etes-vous prêt à aligner les procédures d’exception sur le régime de droit commun ?

Nous sommes favorables à la suppression des régimes d’exception qui morcellent la justice : seront supprimées la Cour de justice de la République ainsi que les juridictions spéciales en matière de terrorisme, dont les chefs de compétence relèveront des juridictions de droit commun.

11. Afin de permettre aux justiciables de saisir plus facilement la justice, notamment dans le cadre des litiges de consommation et de santé, êtes-vous prêt à introduire l’action de groupe en droit français ?

L’action collective est une source importante d’amélioration des conditions d’accès à la justice : réduction des frais de contentieux, recours à un seul avocat, traitement global par les juridictions. L’exigence d’accès à la justice et d’efficacité milite pour la mise en place en France d’uneaction de groupe permettant à un groupe de personnes ou d’associations de faire valoir un intérêt commun dans la mise en œuvre de poursuites.

12. La complexité de l’architecture judiciaire, peu lisible, rend difficile l’accès à la justice pour les citoyens ; par ailleurs, la réforme exclusivement comptable de la carte judiciaire a créé de véritables déserts judiciaires à l’origine d’une rupture d’égalité entre les justiciables. Etes-vous dès lors favorable, afin de simplifier le recours au juge dans certains contentieux aujourd’hui dispersés, à la création de juridictions compétentes pour les traiter de manière cohérente, par exemple une juridiction de la protection sociale et une juridiction de la famille ? Vous engagez-vous à conforter l’autonomie des tribunaux d’instance, juridictions de proximité par excellence regroupant les contentieux du quotidien, et à procéder – si nécessaire – à la réouverture de juridictions en fonction des besoins des territoires ?

Afin de simplifier le recours au juge, pour plus de lisibilité, les contentieux sociaux devraient être rassemblés en une juridiction. L’autonomie des tribunaux d’instance doit être conforté.

Il conviendra de revoir la réforme de la carte judiciaire telle que mise en œuvre, sans discussions, par la droite. En concertation avec les professionnels du droit, une nouvelle carte judiciaire sera élaborée afin que toute personne puisse bénéficier d’une juridiction accessible à proximité.

13. De nombreux justiciables aux revenus modestes, excédant toutefois le plafond d’attribution de l’aide juridictionnelle totale, renoncent à faire valoir leurs droits pour des motifs financiers ; cette situation est aggravée par l’instauration, depuis le 1er octobre 2011, d’une taxe de 35 € pour l’introduction de la plupart des instances et d’une taxe de 150 € en appel. Quelles sont vos propositions pour remédier à cet obstacle financier à l’accès au juge ? Envisagez-vous notamment une réforme de l’aide juridictionnelle, et de quelle ampleur ? Vous engagez-vous à supprimer ces taxes ?

Afin de garantir le principe d’égalité d’accès à la justice de tous les citoyens, l’accès au droit sera amélioré. Les taxes de 35 et 150 euros pour saisir la justice, instaurée par la droite devront être supprimées.

Le budget de l’aide juridictionnelle devrait être augmenté et les plafonds des ressources d’éligibilitémodifiés pour tenir compte de la réalité du besoin de recourir à un avocat.L’aide juridictionnelle sera élargie à la rédaction des actes contresignés par avocat ainsi qu’aux consultations juridiques.

Un dispositif innovant de pro bono sera mis en place en France, en concertation avec lesprofessions judiciaires et le Conseil national des barreaux : les modalités de mise enœuvre devraient conduire les avocats à accepter un quota minimum d’affaires par an au titre de l’accès au droit.

Les points d’accès gratuits au droit doivent être développés sur tout le territoire, aux moyens de points d’accès mobiles dans chaque département.

14. De nombreuses études sociologiques attestent de dérives discriminatoires fréquentes en matière de contrôles d’identité. Par ailleurs, de tels contrôles, par définition attentatoires à la liberté d’aller et venir, ne devraient être justifiés que par la recherche des auteurs d’infractions. Etes-vous donc prêt à supprimer les contrôles dits « administratifs » ne reposant sur la commission d’aucune infraction ? Etes-vous favorable à une loi imposant aux policiers de remettre systématiquement une attestation de contrôle, afin de lutter contre les contrôles « au faciès » ou vexatoires ?

Les contrôles d’identité, sources importantes de tensions entre police et population doivent être mieux encadrés.

A cet égard, il conviendra de redéfinir le cadre légal des contrôles d’identité, la rédaction de l’article 78-2 du Code de procédure pénale n’étant pas satisfaisante.

En effet, cet article prévoit deux types de contrôles : les contrôles judiciaires, qui reposent sur le comportement de la personne contrôlée et qui sont conditionnés par l’existence d’indices laissant présumer que la personne a commis ou tenté de commettre une infraction, et les contrôles dits administratifs, qui eux ne reposent pas sur le comportement de la personne contrôlée et la recherche des auteurs d’une infractions.

En effet, ces derniers peuvent être opérés sans justification tirée du comportement de la personne, et sur la base d’un critère très général, l’« atteinte à l’ordre public », qui a permis en pratique une généralisation des contrôles et des abus qui ont été dénoncés tant par des études telles que celle de Open Society ou Human Rights Watch, que par les victimes de contrôles abusifs réunis dans des associations luttant contre les contrôles arbitraires.

C’est pourquoi il convient de conditionner strictement le recours aux contrôles d’identité au comportement des personnes et à la recherche des auteurs d’infractions. En conséquence, le 7ème alinéa de l’article 78-2 devra être supprimé.

De plus, et en tout état de cause, il conviendra d’instaurer un encadrement des contrôles arbitraires en instaurant la remise systématique d’un récépissé de contrôle comportant la date et l’heure du contrôle, les raisons qui ont justifié qu’il y soit procédé, ainsi que le matricule de l’agent qui a procédé au contrôle.

Les écologistes ont d’ailleurs déposé une proposition de loi au Sénat en ce sens (https://justice.eelv.fr/une-loi-au-senat-contre-le-controle-au-facies).

15. On assiste depuis une dizaine d’années à une véritable explosion du fichage de la population, dont l’efficacité reste à démontrer s’agissant de la lutte contre la délinquance et qui porte gravement atteinte aux libertés individuelles. Envisagez-vous de remettre en cause l’existence même d’une partie de ces fichiers et, pour les autres, de limiter les possibilités d’inscription ainsi que la durée de conservation des données ? Quelles mesures préconisez-vous quant à la consultation et au contrôle de ces fichiers ?

Nous souhaitons une remise à plat de l’ensemble des plus de 70 fichiers existants (en priorité le STIC, JUDEX et TPJ) et voulons limiter leurs interconnexions afin que chaque citoyen puisse voir ses droits défendus. Un droit effectif de correction et de retrait doit être assuré. Nous refusons le projet de fichage généralisé de l’ensemble de la population voulu par la droite avec la loi sur les cartes d’identité.

Afin de renforcer le contrôle sur ces fichiers, la CNIL verra ses moyens et pouvoirs renforcés, et son indépendance garantie.

16. La loi du 15 avril 2011 permet aux avocats d’assister aux auditions des personnes gardées à vue. Etes-vous prêt à leur donner accès à l’intégralité de la procédure, seul moyen de rendre effective et utile leur intervention ? Etes-vous par ailleurs favorable à une limitation du recours à cette mesure, notamment par l’instauration de seuils de peine d’emprisonnement encourue pour le placement en garde à vue et la prolongation de celle-ci ?

La garde-à-vue doit être réformée pour être plus conforme à la Convention européenne des droits de l’homme. Les régimes dérogatoires de garde-à-vue (terrorisme, bande organisée, stupéfiants) devront être remis à plat.

Un régime unique de garde à vue sera institué, où la présence de l’avocat dès le début de la mesure sera assurée, quelque soit le motif de la garde-à-vue. L’avocat pourra, dès le début, s’entretenir avec son client durant au moins une heure, dans des conditions garantissant la confidentialité de l’échange. L’avocat aura accès à l’intégralité du dossier pénal, et devra pouvoir participer aux auditions et aux confrontations, ainsi que poser des questions.

Le gardé à vue disposera d’un recours immédiat pour contester la régularité de la garde-à-vue par l’instauration d’un Habeas corpus à la française.

L’instauration de seuils de peine d’emprisonnement encourue pour conduire à une garde à vue doit être envisagé.

17. La détention provisoire, dérogation pourtant majeure au principe fondamental de la présomption d’innocence, demeure trop utilisée au mépris des enseignements du drame d’Outreau. Etes-vous favorable à une limitation plus drastique de celle-ci et par quels moyens ? En particulier, envisagez-vous d’instaurer une collégialité pour statuer en la matière ?

La détention doit demeurer une mesure exceptionnelle à laquelle le juge des libertés et de la détention ne doit recourir que si elle constitue le seul et unique moyen de prévenir une déperdition des preuves, ou éviter des pressions de quelque nature sur les témoins ou sur les victimes.

A cet effet, un renforcement des modalités de mise en œuvre du contrôle judiciaire, ainsi qu’une augmentation des moyens mis à la disposition des JLD, pourrait permettre d’éviter que la placement en détention provisoire soit perçu comme la seule alternative possible.

Ainsi, la palette des obligations découlant du contrôle judiciaire pourrait être étoffée pour tenir compte des incidences que pourrait avoir le non placement en détention sur l’enquête en cours.

La collégialité pourrait être une réponse, mais cette dernière implique un coût très important qu’il conviendrait d’évaluer.

De même, le recours accru au bracelet électronique constitue une alternative à laquelle il convient de réfléchir en tenant compte des incidences que pourrait avoir un tel développement en termes budgétaires.

18. On assiste depuis plus de dix ans à d’incessantes modifications de la loi pénale, au gré des faits divers, visant à incriminer toujours plus de comportements ; cette pénalisation de notre fonctionnement social, dangereuse pour les libertés individuelles, s’est révélée inefficace pour lutter contre la délinquance. Envisagez-vous en conséquence de supprimer certaines infractions ? De la même manière, l’approche répressive de la consommation de drogues a largement démontré son caractère inopérant voire contre-productif sur le double terrain de la santé et de la sécurité publiques. Etes-vous favorable à la mise en œuvre d’une politique alternative en matière de lutte contre la consommation et le trafic de stupéfiants ? Plus précisément, quelle est votre position quant à la dépénalisation de l’usage de stupéfiants, à la légalisation du cannabis et au développement d’une politique de réduction des risques passant notamment par l’ouverture de salles de consommation ?

Nous sommes pour la dépénalisation, ou la suppression de certaines infractions.

Concernant le cannabis, notre position est claire : nous légaliserons les drogues douces. La politique de répression des consommateurs est inefficace et dangereuse. Elle permet à des gangs, de moins en moins poursuivis, de profiter d’une confortable rente de situation.

Nous mettrons en place une véritable politique de santé publique (production et vente de produits encadrées et contrôlées, interdiction de la vente aux mineurs, politique de prévention…) tout en luttant plus efficacement contre les trafiquants. Les prescriptions d’héroïne médicalisées doivent être expérimentées ainsi que les prescriptions de cannabis thérapeutique. Une politique ambitieuse de réduction des risques sera mise en place. L’offre de soins sera élargie.

19. Depuis 2007, des dispositions gravement attentatoires à des principes fondamentaux, tels que les principes d’individualisation, de proportionnalité, de nécessité et de prévisibilité des peines, ont été votées. Envisagez-vous de revenir sur la loi du 10 août 2007 instaurant les peines planchers – qui porte atteinte à la liberté d’appréciation du juge – et sur celle du 25 février 2008 créant la rétention de sûreté, véritable peine après la peine ?

Les peines planchers et la rétention de sûreté, contraires à l’idée même de justice, doivent être supprimées.

20. La situation dans les prisons est préoccupante ; la surpopulation carcérale atteint des niveaux record. Quelles mesures préconisez-vous pour mettre un terme à cette situation ? Etes-vous favorable à l’instauration d’un numerus clausus ? Envisagez-vous de maintenir le programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires ou êtes-vous prêt à redéployer ces crédits en faveur de la rénovation des établissements existants, de la mise en oeuvre de toutes les règles pénitentiaires européennes et de politiques alternatives à l’incarcération et de réinsertion ? Quelles mesures entendez-vous prendre afin que l’ensemble des droits des personnes détenues soient enfin respectés ?

Nous sommes pour l’instauration d’n numerus clausus(une personne détenue par place de prison). Le droit à l’encellulement individuel, prévu par les Règles pénitentiaires européennes et le droit français doit enfin être respecté. Associé à un moratoire sur la construction denouvelles places, il serait le meilleur moyen pour mettre fin à la surpopulation et à l’inflation carcérale (deux fois plus de détenus en trente ans).

La mise en place de condition de détention dignes, doit s’accompagner d’une garantie des droits des personnes détenues (droits à la santé, à l’éducation, au maintien des liens familiaux, à l’expression collective, à la formation, de vote, à la sexualité) et d’une politique ambitieuse de réinsertion.

21. C’est la notion même de justice des mineurs qui est remise en cause depuis plusieurs années au motif que les enfants ne seraient plus des enfants… Que voulez-vous faire pour rétablir sa spécificité ? Envisagez-vous de revenir sur la création d’un tribunal correctionnel pour mineurs et sur la saisine directe du tribunal pour enfants par le procureur ? De diversifier les réponses éducatives et les solutions de prise en charge des mineurs plutôt que d’ouvrir de nouveaux centres éducatifs fermés ? De préserver la double compétence civile et pénale du juge des enfants ?

Instauré au sortir d’une guerre dramatique, l’ordonnance de 1945, a posé un principe essentiel, celui de la primauté de l’éducatif sur le répressif. Ce principe a été totalement démantelé par dix années de Sarkozysme. Pourtant les enfants d’aujourd’hui ne sont pas la menace de notre société, mais bien leur avenir.

Le statut et les droits des enfants seront réaffirmés, en conformité avec les grands textes internationaux. Nous réhabiliterons la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ) et ses missions, à la fois au civil (attribution de mesures d’assistances éducatives) et au pénal (favoriser les mesures alternatives à l’enfermement et les mesures de médiation réparation). Un audit sera fait sur les dispositifs de sanctions des mineurs, afin de privilégier les dispositifs les plus efficaces. Nous refusons l’incarcération des enfants. La double compétence (civile et pénale) du juge des enfants sera garantie. Tous les enfants résidants sur notre territoire doivent également bénéficier d’une véritable prise en charge éducative et ne pas se limiter à un hébergement, il faut un accompagnement pour ces enfants non accompagnés. Ils ne doivent pas faire l’objet de discrimination comme le rappelle régulièrement le comité des droits de de l’enfant des Nations Unies.

22. Les obstacles à la circulation et au séjour de ceux qui viennent chercher en France un refuge ou un avenir meilleur se sont multipliés ces dernières années. Les procédures toujours plus expéditives et le recours massif à l’enfermement, qui touche aussi les enfants, ont encore très récemment valu à la France des condamnations par la Cour européenne des droits de l’Homme. Etes-vous favorable à la dépénalisation du séjour irrégulier des étrangers ? Vous engagez-vous à mettre fin à l’enfermement des enfants dans les centres de rétention administrative et dans les zones d’attente ? Envisagez-vous de rétablir le juge judiciaire dans la plénitude des attributions qu’il tient de l’article 66 de la Constitution, c’est-à-dire dans son rôle de contrôle à très bref délai des mesures de rétention ?

Le droit des étrangers a été une des principales cibles de la droite cette dernière décennie. Le juge judiciaire doit pouvoir pleinement retrouver son rôle de contrôle de la rétention. Nous sommes opposés à l’incarcération des personnes, simplement pour défaut de papiers. Il faut dépénaliser le séjour irrégulier. L’enfermement des enfants en centre de rétention administrative est indigne.


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