Réponse d’Eva Joly à l’association PARITE

Madame,

Je tiens à vous remercier pour votre courrier et l’ensemble de vos questions qui montre la précision des problématiques qui impactent la parité. Mes réponses s’inscrivent dans la perspective de la VIe République que je porte pour répondre au sentiment de déficit démocratique qui envahit nos concitoyennes et concitoyens.

Vos deux premières questions concernent l’introduction d’un système de représentation à la proportionnelle pour les élections législatives. De manière générale, je tiens à généraliser la proportionnelle à toutes les élections : c’est à la fois un gage de parité via le scrutin de liste, plus simple d’utilisation dans un cadre proportionnel, et de meilleure représentation du poids politique des différentes forces. Pour les élections législatives en particulier, je souhaite que les député-e-s soient élu-e-s pour moitié dans des circonscriptions au scrutin uninominal majoritaire à deux tours et pour la moitié restante sur une liste nationale compensatoire permettant de rétablir la proportionnelle sur la base des résultats du premier tour de la liste nationale.

Votre troisième question concerne les sanctions applicables aux partis politiques n’atteignant pas la parité des candidatures. Je confirme la volonté exprimée par les écologistes depuis plusieurs années de suspendre les financements publics aux partis politiques qui ne respecteraient pas la parité des candidatures. Mais je souhaite aller plus loin pour garantir la parité effective des élu-e-s, comme nous l’avons fait à Europe Ecologie Les Verts pour les élections législatives de 2012. Pour cela, tout parti qui n’aura pas à minima 40 % de femmes parmi ses représentant-e-s élu-e-s verra son financement public diminué. De plus, ces pénalités seront proportionnelles au manquement à l’obligation légale. Beaucoup avancent que la parité est impossible à prévoir pour mieux cacher l’organisation dans certains partis politiques de la non-parité.

Vos quatrième et cinquième questions concernent la réforme territoriale de la majorité sortante qui met un coup d’arrêt à la décentralisation tout en faisant reculer de façon inacceptable la parité dans les territoires. Nous l’abrogerons. Le modèle que je propose est celui d’un fédéralisme différencié, avec une régionalisation renforcée. Bien entendu, le scrutin proportionnel sera privilégié et la parité garantie.

Votre sixième question propose l’extension de l’obligation de présenter des listes paritaires pour l’élection des maires adjoints à partir de 1 500 habitants au lieu des 3 500 actuels. Je porte pleinement cette proposition.

Vos septième et huitième questions concernent la limite du cumul des mandats qui entrave aujourd’hui l’égal accès des femmes et des hommes aux responsabilités électives comme le prévoit pourtant notre actuelle Constitution. Ma position sur cet enjeu est claire. Dans la VIe République que je souhaite proposer aux citoyennes et citoyens français, les parlementaires nationaux et européens ainsi que les présidents d’exécutifs locaux (sauf les maires des communes de moins de 3 500 habitants) ne pourront détenir qu’un seul mandat. Par ailleurs, il ne sera plus possible pour les adjoints au maire et les vice président-e-s d’exécutifs locaux de siéger dans deux exécutifs différents. Enfin, les membres du gouvernement devront abandonner le cas échéant leur mandat local durant l’exercice de leurs fonctions ministérielles. Elle sera complétée par la limitation dans le temps de l’occupation d’un mandat afin d’obliger à une véritable rotation des responsabilités. Depuis la réforme constitutionnelle de 2008, le Président de la République « ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Il en sera de même pour les parlementaires et les membres des exécutifs locaux.

Votre neuvième question concerne les élections sénatoriales. Pour assurer la diversité et la parité des élu-e-s, je propose que les représentant-e-s au Sénat soient élu-e-s au suffrage universel direct par les citoyennes et citoyens lors des élections régionales sur une liste régionale complémentaire sur un seul tour.

Votre dixième question interroge le mode d’élection des membres des établissements publics de coopération intercommunale. Encore une fois, mon engagement est clair et s’intègre à la VIe République que j’ambitionne de proposer si je suis élue Présidente de la République : les intercommunalités seront transformées en collectivités de plein exercice et l’élection de leurs membres sera assurée par les citoyens au suffrage universel direct par scrutins de listes proportionnelles.

Votre onzième question rejoint ma proposition de créer un Ministère de l’égalité entre les femmes et les hommes qui devra avoir les moyens administratifs, humains et financiers de fonctionner.

Votre douzième question pose la question du financement des associations luttant pour les droits des femmes. les CIDFF en sont mais je constate que le Gouvernement vient également de diminuer les crédits alloués au Planning familial comme à d’autres associations au bord de l’épuisement. Oui les missions qu’elles assument et les actions qu’elles développent sur les territoires sont essentiels à la garantie et à l’extension des droits des femmes et à l’égalité entre les femmes et les hommes. Ces financements seront rétablis et pérennisés via des conventions pluriannuelles entre les pouvoirs publics et les associations.

Votre treizième et dernière question est également parallèle à ma proposition pour un statut des élu-e-s afin de fluidifier les entrées et sorties de la représentation politique favorable à la diversité et la parité des élu-e-s.

J’espère que ces réponses vous auront convaincu de mon entière détermination à atteindre une parité effective dans l’ensemble de nos instances démocratiques. Je tiens à répéter que c’est bien dans la perspective d’une réforme d’ensemble de notre République que je souhaite porter ces réformes. Elles devront permettre une meilleure représentativité et une meilleure légitimité de nos institutions. Mais sur la question de la parité, il me semble essentiel de ne pas s’arrêter aux assemblées de la démocratie politique mais également de s’attacher à ce que la représentation des femmes et des hommes soient égalitaires dans les organisations socio-professionnelles, syndicats d’employeurs et d’employeuses et syndicats ainsi que dans les associations. Ma vision de la démocratie ne s’arrête en effet pas aux portes de la démocratie politique et je crois que la parité doit être effective également au sein de la représentation de la société civile organisée. Enfin, je ne reviendrai pas longuement sur mon expérience personnelle mais je tiens à souligner à quelle point je comprends, je vis cette dureté, voire cette violence, à l’encontre des femmes en politique.

Meilleures salutations,

Eva Joly

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