Madame, Monsieur,
Au mois de décembre 2011, vous m’interpelliez dans le cadre de votre campagne « Viol : la honte doit changer de camp ! » sur les mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes si j’étais élue àla Présidence de la République.
Nous partageons, je crois, le constat d’échec du gouvernement sortant. Malgré la grande cause nationale, malgré la loi de 2010, la diminution des subventions allouées aux associations qui accompagnent les femmes victimes de violences souligne crûment le manque de volonté politique pour que cessent les violences sexistes.
Dès 2012, je proposerai au Parlement un projet de loi-cadre contre les violences faites aux femmes afin de suppléer aux insuffisances de la loi de 2010. Cette loi-cadre permettra d’adopter une visée transversale sur ce fléau qui ne révèle que trop dramatiquement l’ampleur des inégalités persistantes entre les femmes et les hommes dans notre pays. Cette loi-cadre, je la souhaite co-construite avec les actrices et les acteurs de terrain. Mais certains éléments fondamentaux peuvent d’ores et déjà être dévoilés.
Je ne ferai pas l’économie de la prévention. Les campagnes de sensibilisation sont essentielles, nous les élargirons. Mais elles restent insuffisantes pour lutter avec efficacité contre les violences faites aux femmes. C’est pourquoi j’engagerai parallèlement un large plan pour une éducation non-sexiste, à tous les âges. Je développerai également la prise en charge des auteurs de violences par l’ouverture de centres d’accueil spécifiques avec un accompagnement adapté, afin de mettre en place des dispositifs pour enrayer la violence dès que celle-ci est identifiée.
Le deuxième axe de la loi-cadre portera sur l’amélioration de l’accompagnement des femmes victimes de violences.
Comment tolérer dans notre pays que des femmes puissent avoir à payer les soins rendus nécessaires par des violences dont elles ont été victimes ? L’ensemble de ces soins, y compris psychothérapeutiques, sera donc pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. J’y vois une condition de la justice sociale.
Un meilleur accompagnement des femmes victimes de violences se construit par ailleurs nécessairement par l’augmentation de la dotation publique aux associations qui assument cette mission au quotidien. L’accroissement de cette dotation doit poursuivre au moins deux objectifs : d’une part renforcer la qualité des emplois dans les associations concernées et d’autre part augmenter sensiblement le nombre de logements d’urgence pour les femmes victimes de violence. Les besoins en la matière sont très mal identifiés et il s’agit ici de passer de l’action militante à la mise en œuvre d’une véritable politique publique co-construite. Il s’agit donc :
– D’installer dès 2012 un Observatoire national des violences faites aux femmes, qui permettra de mieux identifier les besoins en termes de nombre de places (hébergement d’urgence et logement temporaire) afin d’y répondre ;
– De débloquer dès 2012 les moyens nécessaires à la mise en place effective de l’ordonnance de protection prévue par la loi de 2010 que nous élargirons au-delà des violences conjugales aux autres formes de violences sexistes ;
– Les femmes victimes de violences doivent enfin avoir en face d’elles des professionnel-le-s formé-e-s aux spécificités des violences sexistes. Cet impératif sera intégré au plan d’éducation non-sexiste par la rénovation des formations développées dans le cadre de la formation initiale et continue.
– Pour finir, je souhaite vous assurer de ma détermination à ce que les affaires de viol cessent d’être « correctionnalisées ».
Meilleures salutations,
Eva Joly
Pourquoi considérez-vous seulement les violences conjugales faites aux femmes ? Il n’y a rien pour les victimes de la violence féminine. Et le questionnaire de SOS Hommes Battus n’a reçu qu’une seule réponse sérieuse http://soshommesbattus.over-blog.com/.
Et les élus coupables de violences sexistes ?
Je ne comprends pas que la candidate (et notre mouvement) ne reprenne pas la revendication d’associations comme AVFT ou ECVF d’une peine d’inéligibilité assortie à la condamnation pour les élus reconnus coupables de violences faite saux femmes.
Merci à Eva Joly de se positionner.
J’apprécie particulièrement son attention au problème de la « correctionnalisation » du viol, qui fait de celui-ci une « banale affaire de moeurs » alors qu’il s’agit d’un crime et souvent d’un acte de torture. Cela va aussi dans le sens d’une prévention anti-sexiste.
@MF: je ne suis pas du tout séduite par la proposition caricaturale que vous faites du rôle des femmes auprès des enfants. C’est au contraire une éducation très individualiste (en ce sens qu’elle est confiée à une seule personne au lieu d’être communautaire) et fusionnelle, contraire à l’épanouissement d’un être humain. Il n’y a que dans les pays occidentaux, et depuis un peu plus d’un demi-siècle, que l’on voit cette forme d’éducation, avec l’avènement de la famille mono-nucléaire.
De manière plus générale, le féminisme lutte contre les privilèges d’une moitié de l’humanité sur l’autre (*) : accès à la nourriture (dans de nombreux pays, la viande est réservée aux garçons), à l’éducation (une partie des filles n’y ont pas droit), accès aux soins (idem), à la liberté d’expression, à la liberté d’action… et tout ceci va plutôt dans le sens d’une meilleure vie pour tous les enfants du monde !
(*) Données chiffrées : http://www.droitsdesfilles.fr/Donnees-chiffrees,105.html
Je suis assez séduite par les positions de Mme Joly. Par contre, je pense que le féminisme peut poser problème dans l’éducation des tout petits. Les femmes devraient avoir la possibilité de rester avec leur enfant à la maison, au lieu de l’abandonner dans une crèche ou chez la nounou, et l’allaiter aussi longtemps que possible. Il faudrait plus d’associations (telles Les Maison Vertes) ou similaires pour ces jeunes mamans. Cela permet d’éviter à l’enfant de subir des traumatismes de séparation de sa mère, la maman a le temps de l’allaiter (et d’éviter les laits maternels !), de lui préparer des repas sains (et surtout pas des petits pots chauffés au micro-ondes) et de procurer à l’enfant la sécurité qui lui permet de se développer sainement. Je déplore le fait qu’on arrache les enfants aux mamans, qu’on leur mette la pression et qu’on détruise ainsi l’âme fragile d’un enfant pour mieux pouvoir le conditionner dans un système qui ne laisse pas de place à l’individualité.